jeudi 9 février 2012

Minuit intime

Paris ne s'endort pas. Elle est léthargique. Les macchabées ont soufflé leurs toussotements sur la ville qui se voile avec la neige. Paris n'est pas triste, elle ne vibre plus depuis longtemps, les immeubles ont perdu leurs âmes, devenus infertiles, ils grimacent aux passants n'osant pas répondre. L'hiver s'est infiltré dans nos crâne creusés, des réceptacles sans fond mais pourtant trop remplis. Alors il est temps de penser, s'évanouir tous les soirs pour rêver. c'est l'heure de la baignade, du flottement calme des atmosphères blanchâtres. Mais on pense toujours au soleil qui scintille derrière les nuages, derrière les lieux proscrits, on connait son existence absolue; Se tissent alors les premières chaines, et quand vient le temps, fondantes, elles nous laissent entrevoir sa puissance grandissante.

Arthur Levassor

mercredi 18 janvier 2012

Récit

Des phrases se sont enfilées dans mon esprit: claires/concises. Aujourd'hui elles résonnent désespérément dans ce corps de pierre, hantent ces voutes de granit. Vous avez honte quand vous vous surprenez à dire une prière, tu te moques de toi. Leurs noms sont gravés, partout, à même le sol. Elles caressent les murs: doucement/trop près. Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie (,) c'est un tableau pendu dans un sombre musée et quelquefois tu vas le regarder de près. Je n'ai jamais su pourquoi, cela tourne aujourd'hui à la névrose incontrôlée. Je me ronge, me mords et me tords. Mon visage je ne le vois plus, ne le rencontre plus. Mes seuls sourires sont dans le noir ; ils y sont discrets. Ils flirtent les corps, suggèrent une présence, pénètrent profondément. Mais le chant toujours résonne. Il me fait mal, trop mal. Mes yeux je les imagine vitreux, mes gestes je les sens brusques, mes mains je les touche raides. Le chant a tout rendu infidèle, ici dans mon temple. Plus rien ne se cache: tout s'agite.

J'étais cloué, ici, là, dans ce lit. Un petit lit: draps verts/oreiller blanc. Mon corps ne bougeait plus: je suais. Le chant me prenait, encore et toujours. Tout s'enchainait, crissait dans ma tête. J'étais cloué, ici, là, seul bien seul. Une femme un jour est venue. Sa voix me calmait; comme devant tous ces êtres beaux j'avais peur. Elle me parla de révolte, de ne plus accepter ces cliquetis incessants, troublants ; me révolter ?

'Terreur mortelle, regard perdu on ne sait trop où. Comment dire, comment délecter cet instant, le savourer, le haïr. Au fond d'une campagne perdue on vous pendit. Un regard inquisiteur brûlant chaque parcelle, chaque lieu, l'unique espoir, instaurer cet être suprême. Colère, triste et affable colère. Tu tournes en rond, dans cette pièce tu caresses les murs, dans cette pièce tu lorgnes le plafond. Ce souvenir resplendit, mille couleurs, plage de sensations. Ces jours-là le ciel était bleu, ces jours-là le vent était bon. Il frottait tes cheveux, les collait à ton front. Tu espérais; qu'une envie alors. Ne pouvant imaginer la suite tu continuais, ne pouvant imaginer tant de meurtres, d'horreurs sublimes: tu souriais.'

Me vint alors une vision: John Lennon étendu là, à New York devant sa résidence. Une ambulance file droit, son phare caresse les murs, son pinceau blanc balaye doucement la rue dans un va et viens régulier, on ne peut plus régulier. Il est à l'intérieur, ici ou nulle part, le monde alors roule avec cette ambulance. Il ne répond plus, lui: John Lennon. John Lennon fumait comme ses idoles, avait tout appris d'elles. Tous ces gestes calqués sur leurs gestes à elles. «J'ai appris toutes mes émotions d'Elvis» déclara t-il. Tout était répétition. Son Help fébrile, vide il le chantait là, il avait grossi, se droguait. Le cosmos, cette parure tombait et le suffoquait, l'écrasait. Rien à faire car désormais il se meurt avec le monde, sourit une dernière fois. Sa dernière image, une photographie d'hôpital: noire/blanche. On n'y distingue plus son visage. Le silence est entré en lui furtivement. Son chant s'en est allé bien loin.

Aujourd'hui tu marches dans Paris (,) les femmes sont ensanglantées (;)c'était et je voudrais ne pas m'en souvenir (,)c'était au déclin de la beauté...


Thomas Debris