mardi 22 juin 2010

la manœuvre

Je vois ses yeux torves un brin asphalte
derrière la pluie abondante qui me colmate
mes cheveux bestiaux sur mon front soucieux.
Je doute du gros barbu et de ces sonates,
de ces disques noirs et de ces platines mates.

La plume brisée en trois,
d'où l'encre s'éparpille,
flotte désormais sans moi
sur les manuels en pile.

Rictus joyeux aux lèvres
elle m'annonce les yeux plissés
l'infini de notre fièvre.

Une douce nuisance sonore
me frotte les tympans

Gris, bleu marine, jaune voire d'or.
Mes couleurs sont partagées.

Arthur Levassor

dimanche 13 juin 2010

que cherche-t-on ? (éditorial 1, #6)

« Et avec un ravissement exalté il crut comprendre
dans ce coup d’œil l’essence du beau,
la forme en tant que pensée divine. »


Ils croyaient qu’on leur avait volé tous les discours possibles. Tout avait été débattu, la messe était dite en toutes les langues, aucun point de vue n’était plus original. Le pour et le contre se côtoyaient dans la tombe et l’entre deux était toujours d’un fade stérile et inconséquent. Pourtant, quelque chose les démangeaient, comme un exéma dont on n’arrive pas à se défaire : ils voulaient encore parler. Ils voulaient encore parler, alors heureux et ensemble, ils choisirent une éthique du rien : sans plus rien dire qui ait du sens, pourtant ils parlaient. Désintéressés des préjugés et des choses subtiles mais déjà entendues, qu’avaient-ils à perdre en ne disant rien ? Après, la mise en forme était automatique. Elle découlait d’un non-sens qu’ils ne cherchaient pas mais qu’ils trouvaient spontanément, et plus beau que s’ils avaient voulu s’exprimer dans la contrainte du sens. Mais qu’est-ce que la parole en poésie ? Est-ce dire des choses, ou bien au contraire la parole poétique est-elle favorisée par le néant sémantique ? Cette parole pourrait se figurer dans un agglomérat de sons, dans une partie de ping-pong mentale où les adversaires seraient le faire voir et le faire sonner. La poésie n’est-elle pas une cinématographie courte et hallucinée à la recherche d’un beau ? La présence du sens sert à justifier un langage en vérité égocentrique, ici et là seul pour lui-même. La présence du sens dans le texte dissimule l’idée d’un langage assez altier pour réclamer sa suffisance. C’est masquer la vérité du signifiant se signifiant lui-même. Voilà un beau retroussement de manche pour un bon pugilat…

Tous les sujets en poésie ne sont-ils pas trop universels, n’ont-ils pas tous un peu traits à la même chose ? Le beau de la forme serait dire la chose d’une manière qui soit unique, la transplanter, lui donner un nouveau corps qui soit une structure belle, nouvelle et unique, se regardant elle-même au jeu de ses miroirs. Afin que le sens devienne le corps dont il se revêt, afin que l’esthétique ne devienne pas la bannière du sens mais le sens à lui tout. Intérêt, quel intérêt ? L’universel, la poésie le banni : seule la cristallisation de l’instant compte. La poésie purgée de l’universel propre à tous, trop commun, est une chose qui veut être fini et ne veut pas avoir d’égal.

Sens grotesque et vendu à tous, saisi-toi au vol à un moment de ton universel, disparais dans ta beauté unique et passagère.

Enzo Bossetti

mardi 1 juin 2010

un an jour pour jour

L’eau miroitait doucement, frottait délicatement ce beau rocher, une lumière reflétait ce paysage. La réalité s’offrait alors à nos yeux ébahis. Un an jour pour jour. Les morsures du temps te feront changer, te feront oublier lentement.
Des vagues se soulevaient, se superposaient. Ton cœur je l’imaginais. L’azur, rond et tranquille s’étendait au loin. Du bleu dans le regard, du vert dans les pas, de l’orange dans la tête, tout se mélangeant. L’instant flottait on ne sait trop où. Je ris et pleure de tout cela. Je ne peux oublier, je ne peux souffler, je ne peux pleurer. T’embrasser ? J’en rêverais. Se souvenir d’une nuit, un an jour pour jour. Moment sublime, me quitteras-tu ?
Tout recommence, tout se répète dans ce beau cercle vermeil. Les feuilles après être tombées, se relancent encore. La mort m’éclaire. Le beau s’assombrit, s’oublie.

Thomas Debris

splendide vertu

Ni remords, ni regrets, combien de temps. Verrais-tu tout ça cher ami ? Au bord de la falaise le monde est rond comme un jour tu me le dis. La mer tranquillement s’étend, les vagues se soulèvent, se superposent dans ce triste méandre. L’eau comme le ciel est bleue. L’eau comme le ciel reflète le soleil. Tes cheveux couverts par le vent flottent au loin, tu aimes les caresser. Ton beau visage sourit, tu ne sais plus trop après tout. Cela prendrait-il fin. Attendre n’est rien, les larmes sont vaines. Le même refrain un an jour pour jour, ici où tout est vert, sinueux, le même refrain, la même chanson, la douce mélancolie, tranquille. Penserais-tu au passé ? Au fond ne serais-tu pas un exalté, ne prendrais tu pas la vie dans toute sa folie, son absurdité ? Je ne sais plus trop seulement pourrais-je te répondre. Toi ici, encore, les cheveux au vent, encore. Dehors la tristesse m’attend, si sombre, si dure. Toucher le silence. Si seulement, si seulement. Le monde s’étend paisiblement, les pas cognaient un sol mou, gris. Je te laisse dormir, un peu de tendresse ?

Une prairie d’azur blanc, un ciel de neige bleu, des sillons rappelant cette mort. Mélancolique tu dis. Tout est possible ! Et oui tout est possible, crois, rend aux idées leur statut. La mer frottait ce paysage, la falaise s’érodait sous ce triste ciel. Le spleen s’emparant du jeune homme il rit. Ah Hermine si seulement tu savais, si seulement tu savais. Mon cœur pour ta mort je l’ai façonné. Pour tes yeux je l’ai détruit. Pour ta voix je l’ai construit. Deux personnes dans cette pièce. Ici lui l’homme ne sait plus trop, rêvant de l’embrasser il se pend, pense à Hermine et dans un dernier saut se suicide doucement. Seul le craquement de ce tabouret est entendu à l’autre bout du monde. Lui, il souffre, crie, heureux il n’en peut plus, heureux il te dit : « je ris mais toute ta vie les marques sur ton visage à mon absence seront due, quoi je meurs ? Et bien oui je revois chaque scène, prêt a tout revivre je te laisse un dernier cri ! La beauté est ici, son masque de pierre tombée je vois tout, le sert contre ma poitrine. Adieu haha ». Je ne suis plus amoureux des étoiles. Son désespoir je lui laisse lâchement, on coule, on revient et comme lui on se pend. Viendrais-tu me voir, toi Mathilde. Prénom par-dessus tout que j’aime. Ne mélange pas tout, je ne suis pas une femme comme ça. Tu viens me voir, je te laisse, te claque et crie à ce monde bleu : Aucun regret mais Robespierre à toi toujours je pense, Vertu rejoins moi, tue moi !
Paris, l’ennui 24 mai 2010.

Thomas Debris